[Se dit aussi d’une ligne en relief dans un tissu]
La commune de Carsac-Aillac est implantée au confluent de la Dordogne et de l’Énéa, où les sols sont infusés de courants qui sillonnent sous nos pieds des kilomètres de terre… La Dordogne représente une étape constitutive du travail d’Alice Raymond, entre la Suède, les États-Unis et la France. L’artiste géomètre côtoie ce territoire pendant son enfance et y construit peu à peu une antenne de son atelier nomade.
On observe ici d’autres empreintes de plis : ceux des toiles de la série Deforesting. Alice Raymond navigue en transportant ses peintures, ses dessins ou ses sculptures. Les formes dépliées lévitent et se chevauchent parfois. Les couleurs tranchées s’étalent sur la toile libre. Des éléments naturels parsèment le sol et dialoguent avec les peintures. Élaborées par la nature, ces lianes glanées en Dordogne rappellent les lignes codées par l’artiste. À Miami en 2017, elle aperçoit des arbres centenaires abattus par les hommes pour développer une zone résidentielle. Le nom de « Miami » vient d’un mot indien qui signifie « eau douce ». Du phénomène naturel à l’impact opéré par l’homme, le contraste perdure dans les travaux de l’artiste qui interroge ces confrontations. Dans la série des Mièvreries, les petits tissus fleuris et anecdotiques accueillent en leur centre des formes abstraites qui se posent sur le motif et délivrent un élément de langage.
Les traces de multiples voyages parsèment les travaux de l’artiste qui recueille sur place les matériaux ou les outils qu’on lui apporte, comme des chutes de peinture ou de papier. Lors de son dernier séjour aux États-Unis, elle dessine et peint sur des supports en carton ou des sachets en papier kraft. [Déshydratation], [Déminéralisation], [Déracinement] : les silhouettes géométriques de la série Îles entropiques déploient un lexique des sols, comme une réponse à l’idée de déforestation contenue dans les toiles réalisées deux ans auparavant.
L’exposition Nervures [Se dit aussi d’une ligne en relief dans un tissu] présente des allers-retours révélant la pratique mouvante de l’artiste, en France et aux États-Unis. À Bordeaux en 2018 et 2019, deux précédentes expositions déroulaient les notions de cartographie et de traversée. Quelques indices de ces histoires subsistent aujourd’hui dans ce projet collaboratif, pensé comme une narration aux chapitres éclatés dans l’espace et dans le temps.
Texte : Élise Girardot, mars 2019
www.elisegirardot.com